Le Mans, c’est un cas de figure exceptionnel pour une ville moyenne puisqu’un événement annuel lui offre une visibilité internationale (avec une mythologie Hollywoodienne par dessus le marché). Mais, ça reste une ville moyenne du grand Bassin parisien, donc au milieu de rien, et dont le second titre de gloire est la rillette ! Pas sûr que ça intéresse grand monde… quoique, on sait jamais…
Le Mans et sa région : les mots-clés en 2015
État des lieux prospectif
Le Mans 2030 ou le sexe des anges
En 2030, la MMArena est toujours le grand stade le plus ridicule de France (titre glorieusement partagé avec le Stade des Alpes de Grenoble). Mais Le Mans, après avoir craint un déclin irrémédiable, tire bel et bien son épingle du jeu. Une résurgence ésotérique… à tous les sens du terme.
Au fil des années 2010, et à l’image d’une grande majorité des villes moyennes du Bassin parisien post-Grand Paris, la situation du Mans s’était lentement dégradée. À mi chemin de la Loire et de la Normandie, de Paris et de la Bretagne, mais surtout au cœur du Maine, Le Mans réussissait à être à la fois au milieu de tout et de rien. Et comme toutes les villes moyennes qui scandent qu’elles sont près de tout, on retenait surtout qu’elle ne servait à rien.
À cela s’ajoutèrent des évolutions de la société française, largement contradictoires avec ce qui faisait l’identité du Mans. La montée en puissance du mouvement végan et le succès, en 2018, du subtil brulot d’Aymeric Caron Ces assassins criminels tueurs d’enfants que sont les mangeurs de la viande !, fit beaucoup de mal à cette ville dont les spécialités sont le bœuf fermier du Maine, le veau à la mancelle, les chapons et poulardes, les célèbres rillettes et la barbaque sous toutes ses formes. Mais le plus grave fut que ce qui faisait la renommée de la ville dans le monde entier, à savoir le sport mécanique et les 24 heures du Mans, renvoyait une image de plus en plus négative au milieu des débats sur les économies d’énergie, l’effet de serre et le monde post-Kyoto.
Le Mans était confrontée à un défi dont dépendait son avenir : réconcilier les pots d’échappement et la baie de goji. Les responsables politiques locaux étaient pour la plupart désemparés. Au mieux se bornaient-ils à regretter que Le Mans métropole n’ait pas conservé sont ancienne appellation de communauté urbaine : la CUM, qui avait le mérite de remporter un certain succès, bien qu’incompréhensible, auprès des anglo-saxons.
Pourtant, en 2019, la situation évolua. Presque imperceptiblement, sans que personne ne sache véritablement pourquoi, l’ambiance de la ville avait changé. Des populations au mode de vie alternatif s’étaient visiblement installées au Mans. Désormais, on croisait fréquemment des individus, vêtus de blanc immaculé et arborant des symboles ésotériques, qui méditaient à même le pavé sur la place de la République ou la place Roosevelt. On ne comptait plus les groupes de séduisantes jeunes femmes qui, plumes autour du cou, se promenaient à travers la ville et n’hésitaient pas à interpeller les adolescents des Sablons ou de Vauguyon sur leur avenir. Bref, la population était plus jeune, plus belle, plus spirituelle. Le Mans tenait son changement d’image sans avoir eu à mener aucune politique couteuse et polémique.
Le pot aux roses fut cependant découvert lorsque d’importantes subventions furent proposées au département de biologie de l’Université du Maine. Le Maine Libre, qui s’était intrigué d’un soutien qui devait placer le campus du Ribay à la pointe du génie génétique et des techniques de clonage, découvrit que derrière les mystérieux bienfaiteurs se cachaient un seule personne : Raël. En quelques semaines, on comprit que les sympathiques excentriques qui étaient apparus en ville étaient ses disciples. Que les nymphes plumées qui allaient à la rencontre des jeunes dans les quartiers n’étaient autres que les fameux « anges » au service très personnel du gourou. Que celui-ci, suivi par 3000 de ses adorateurs, s’était installé en ville.
Ainsi découvert, le sulfureux « guide spirituel » choisi d’officialiser ses intentions. En mars 2022, il annonçât qu’il avait ressenti une « énergie tellurique d’essence elohimienne » aux abords des Hunaudières, qu’il avait donc choisi de réactiver la branche française de son mouvement et de concrétiser au Mans son vieux projet d’ambassade extraterrestre, que plusieurs États lui avaient jusqu’ici refusé. Il ajoutât que les grands espaces quasi désert autour du Mans lui semblaient favorable à l’atterrissage des soucoupe volantes, mais qu’il souhaitait tout de même investir massivement dans l’aérodrome d’Arnage pour en faire un ovniport digne de ce nom. Raël n’était pas sans argument puisque, fort du soutien financier de ses fidèles, il confirmait sa volonté d’investir dans l’agglomération et se proposait même de louer régulièrement la MMArena pour y tenir ses grands prêches. Il professait d’ailleurs que l’accueil privilégié des extraterrestres garantirait au Mans des retombées économiques et technologiques considérables.
Naturellement, de nombreuses oppositions se firent entendre, scandalisées de la place qu’entendait occuper une secte à la réputation si controversée dans leur ville. Et l’on se gaussait du fait que Raël avait probablement choisi le Mans pour sa passion de la course automobile plus que pour toute considération cosmique ou spirituelle. Les sarcasmes allaient bon train sur « ce vieux dégeulasse », qui avait établi son harem dans le quartier du Fouillet.
Puis, progressivement, les Manceaux s’aperçurent que les Raéliens, avant que l’on sache qui ils étaient, avaient fait naître une petite espérance. Ils s’aperçurent que leur ville était tout de même un peu pourrie et pas promise à grand-chose. Que sans ces illuminés, ce serait probablement la merde. Alors ils se dirent qu’ils n’avaient sans doute rien de mieux à espérer que de devenir la capitale religieuse d’une bande de taré sous la coupe d’un prophète : la recette avait bien fait ses preuves pour Rome ou Jérusalem, alors pourquoi pas le Mans ? En plus Raël, octogénaire libidineux et azimuté, était objectivement bien plus cool que le Pape Benoît XVII !
Alors, un modus vivendi tacite s’établit. La secte put développer ses projets au sud de la ville, entre Arnage, Ruaudin et Changé, à condition de financer des équipements, de ne pas tenter d’enrôler de jeunes Manceaux… et que les anges se promènent régulièrement en ville. Évidemment, l’image de l’agglomération fut quelque peu entachée de cette compromission. Mais de l’intérieur, les Manceaux retenaient qu’ils avaient réussi à relancer leur démographie, leur tourisme et leurs chantiers. Ils retenaient qu’ils avaient peut-être sauvé leur ville alors que tout le monde dans le Bassin parisien ne pouvait pas en dire autant.
Enfin, ils retenaient que pour sauver leur âme d’une gastronomie carnée et de leur passion pour les sports mécaniques, on leur avait demandé de s’ouvrir aux alter quelque chose, aux gens « spirituels », aux gens innovants. À tous ceux qui, pour changer le monde, brandissent des interdits alimentaires saugrenus ou se fixent des obligations stupides pour se figurer qu’ils pensent et vivent mieux que les autres. Alors qu’on ne les fasse pas chier si ces gens merveilleux s’avèrent être des illuminés sectaires asservis par un ufologue attardé qui joue aux grosses voitures !
Les projets
Le Mans 2030 : la carte postale
Témoignages
Les choses vont toujours mieux quand vous êtes un ange. Quand j’étais dans ceux de la télé réalité, tout allait bien pour moi. C’est après que mes ennuis ont commencé. Alors comme ils avaient arrêté l’émission, j’ai rejoint les anges de Raël.
Nabilla B. – ange – 2022
Vous croyez qu’on les emmerde à Lourdes quand ils agrandissent la gare des pèlerins ? Alors arrêtez de nous faire chier au sujet de notre ovniport !
Bernadette Roy – Retraitée – 2029
Les 24 heures camion et les 24 heures roller c’est bien pour faire vivre le circuit. Du coup, d’ici 2035, nous songeons à créer les 24 heures gourous. En plus il se murmure que Raël se sent faiblir et qu’il pourrait désigner son successeur par une course auto.
Kevin Prost – Directeur du Circuit Bugatti – 2030
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