Oui, oui, Creil… c’est tout de même une agglo de 115 000 habitants. C’est loin d’être un bled et on est dans nos standards de villes moyennes. Évidemment, quand on doit justifier de l’existence et de la moyenneté d’une ville… ça part mal.

 

Creil et sa région : les mots-clés en 2015

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État des lieux prospectif

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Creil… et la forêt enchantée

En 2015, Creil était une agglomération de taille respectable, mais déjà ignorée de la majorité des Français. Tout au plus était-elle l’une de ces villes du nord de l’agglomération parisienne que l’on ne savait pas vraiment où situer dans le magma métropolitain, découvrant avec surprise qu’elle se trouve… en Picardie. Pire, Creil était l’une de ces villes cumulant écroulement industriel, grand ensemble et problèmes sociaux, que beaucoup préfèrent oublier. Un concentré de banlieue parisienne perdu dans les champs de betterave, dont on cru pouvoir faire quelque chose à une époque…

Il était une fois, un grand ensemble perché sur un plateau, qui dominait la vallée de l’Oise et la bonne ville de Creil. Celle-ci connaissait moult difficultés économiques et sociales, mais avait le mérite de mener une politique de la ville active. Puisqu’on ne se faisait plus guère d’illusion quant à l’avenir de l’industrie locale, le sort de Creil était de plus en plus lié à ses liaisons vers Paris et Roissy, véritables gisements d’emplois pour la population. Or, à la fin de la décennie, ces liaisons allaient connaitre une sérieuse amélioration qui faisait naitre de grands espoirs chez les responsables locaux. Des Parisiens en mal d’exil finiraient par se rendre compte qu’à force de passer sous le radar (un comble pour un haut lieu de la photo aérienne), Creil était peut-être devenue une ville à cibler.

S’inspirant de la stratégie amiénoise, les Creillois avancèrent que l’indifférence dont-ils avaient souffert devenait saine discrétion pour ceux qui recherchaient une ville à taille humaine, mais restaient bloqués professionnellement en région parisienne. Après tout, Creil valait largement un Argenteuil, un Noisy-le-Grand ou un Châtenay-Malabry. La preuve, des bourgeois pas du tout bohème se concentraient en nombre juste au sud, de l’autre côté de la forêt, dans le pays merveilleux de Chantilly.

Un château, de grandes forêts et le Parc Astérix à portée de tir pour le week-end, les aéroports de Roissy et Beauvais pour voyager, Paris à moins d’une heure, mais avec des prix picards… quitte à être Parisien, autant être Creillois ! C’est en tous cas l’idée que les locaux tentaient de faire passer dans la capitale. Le principal obstacle à surmonter était de réussir à instiller dans le grand public l’idée que le grand ensemble était un lieu rêvé : un patrimoine aux appartements spacieux et confortables, un quartier bien équipé, bien entretenu, au cadre soigné, qui pouvait séduire les fonctionnaires comme les cadres sup. Et pour ceux que les barres de Rouher ou des Cavées effrayaient, il y avait toujours le centre-ville, reconstruit après guerre, donc grand confort en comparaison des taudis haussmanniens de Paris.

Creil avait, très délibérément, adopté une stratégie de gentrification, cherchant à attirer de gens en mesure de payer quelques impôts, des gens reconnaissant des politiques d’animation menées sur l’île St-Maurice, des gens qui introduiraient un peu de mixité. Creil souhaitait devenir une banlieue résidentielle comme les autres, profitant de la grande ville sans scrupule. Elle l’avait bien mérité puisqu’elle en avait récupéré les problèmes sociaux durant 40 ans ! Alors il était grand temps d’en recueillir quelques fruits.

Le pari sembla crédible jusqu’en 2023, lorsque tout le monde pris du recul sur le Grand Paris et lorsque le nouveau gouvernement enterra la politique des « agglomérations relais » de l’administration précédente. Des villes qui, comme Creil, avaient beau jeu d’avancer la carte de la proximité tout en bénéficiant des infrastructures de transport de la métropole, se faisaient maintenant traiter de  » villes morpions » au même titre que Puteaux ou Antony 5 ans plus tôt. Des villes qui ne faisaient que profiter de leur situation sans participer aux efforts métropolitains. La parution posthume de notes que Jacques Donzelot n’avait pas voulu dévoiler de son vivant : Les grands ensembles à perpète de Paris c’était vraiment une idée de merde ! fit grand bruit et porta le coup de grâce.

Dès 2025, on s’aperçut que les Périparisiens tant attendus à Creil s’étaient bien davantage dirigés vers Senlis, plus proche de l’A1, ou vers Gouvieux, qui bénéficiant de la proximité de Chantilly et où la vieille population bourgeoise commençait à décéder, libérant des logements cossus. Les « salauds de Chantilly » étaient même parvenus à débaucher les Creillois qui avaient réussis, les poussant à s’installer dans leur ville ou à Lamorlaye, dans la très snobinarde forêt du Lys. Le cheval, marqueur suprême de réussite sociale, était l’argument massue face auquel les rodéos du quartier du Moulin ne pouvaient pas lutter. Ne manquant pas de dérision, les Creillois avaient alors créé une fête de la viande chevaline, pour montrer ce qu’on faisait chez eux des équidés. Malgré un grand succès local, la renommé de la fête s’était cependant arrêtée en lisière de la forêt.

En 2030, Creil est donc retombée dans un complet anonymat. Rageant lorsque l’on réalise qu’à une forêt près, Creil aurait été régentée par le prince Eric Woerth et l’élite des cavaliers de l’Oise. À une forêt près, elle aurait pu devenir le Marne-la-Vallée de ce monde enchanté qu’est le Parc Astérix . Au lieu de vivre son conte de fée, elle reste coincée dans une dure réalité, entre les village de Cramoisy et de Brenouille. La seule qualité de Creil ? Elle ne renvoie pas une mauvaise image puisqu’elle ne renvoie pas d’image du tout. Une sage discrétion picarde qu’elle continuera à partager avec ses « rivales » : Senlis, Compiègne ou Soisson.

 

La frontière

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Creil : le film promotionnel


Découvrez la Ville de Creil ! (2011) par ville-de-Creil
Pour tout ceux qui ont besoin d’en savoir un peu plus sur Creil… parce qu’ils n’en avaient jamais entendu parler.

 

Témoignages

Vous êtes sérieux ? Il y a vraiment une ville de 100 000 habitants appelée Creil à une dizaine de kilomètre d’ici ? En même temps on ne sait pas ce qu’il y a de l’autre coté de la forêt, on nous a toujours dit de ne pas la traverser.

Hansel et Gretel – Conseillers municipaux de Chantilly – 2027

Le pire de tout, c’est qu’on peut même pas se venter d’être en Seine-Saint-Denis. On est dans l’Oise bordel ! Et comment tu veux qu’on se la joue ghetto avec cette putain de forêt de Chantilly juste à côté ?

Karim B. – Lycéen – 2029

On ne peut même pas faire comme toute les villes moyennes : se présenter comme une ville d’art et d’histoire… de l’art et de l’histoire on en a pas ! Tout ce qu’on a c’est cette forêt de merde pleine de canassons.

Kevin S. – Maire de Creil – 2030

 

Vous pouvez nous laisser des commentaires sur cet article ou sur Creil juste en dessous. Si vous avez des anecdotes ou des témoignages plus approfondis, n’hésitez pas à nous en faire part en contactant directement Florian (f.rodriguez@deuxdegres.net). Vous pouvez également remplir notre questionnaire sur l’atmosphère qui règne dans la ville ou dans l’une de ses congénères.

    2 Comments

    1. Arthur
      6 mars 2015

      Sur le site ville-ideale.com (une mine d’or), le commentaire de l’utilisateur « CreilRenouveau » préfigure les tentatives du début des années 2020.

      « Les points positifs : […] La proximité de villes comme Chantilly et Senlis qui sont magnifiques (mais mieux fréquentées évidemment).

      Les points négatifs : L’image de la ville qui est à valoriser, mais ce n’est pas avec le maire actuel que cela se fera. Creil a un potentiel énorme, mais doit se relever ! »

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      • deuxdegres
        12 mars 2015

        Oh que oui, ville-ideale.com est une mine d’or, c’est rien de le dire !

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