Les premières réponses au questionnaire font remonter quelques mots-clés sur la ville : ennui, lassitude quotidienne, climat pourri. Nous, on est confiant sur l’avenir de Besançon, mais en restant fidèle aux mots-clés.
Besançon et sa région : les mots-clés en 2014
État des lieux prospectifs
2030 : Besech
12 Septembre 2030 : inauguration de la nouvelle ligne de tramway nord-sud avec un concert géant du chanteur doux-amer bisontin : Denis Hervé Peubert. Ce tramway 3.0 connecté/ big data, conçu par Peugeot, permet enfin de relier le centre-ville et sa Citadelle Vauban-PSA, au nouveau siège social de PSA et à la gare TGV. Cela a coûté cher mais les caisses sont pleines depuis le boom immobilier bisontin des 7 dernières années.
L’électrochoc de 2020 reste encore dans toutes les mémoires. PSA décide de délocaliser son siège social et son centre d’ingénierie de Vélizy-Villacoublay vers le département du Doubs pour réduire ses coûts et améliorer les conditions de vie de ses salariés. Les employés ont refusé l’option Sochaux et ont voté massivement pour une implantation à Besançon. Ce « référendum d’entreprise » a fait couler beaucoup d’encre. On a parlé de racisme anti-ouvrier, du choix des cadres vers une cité qui leur convient à eux, de la possibilité de se rapprocher de la Suisse pour les gros salaires de PSA, d’hérésie historique au profit de ceux qui peuvent se payer un loft au centre de Besançon.
Quoiqu’il en soit, l’arrivée de 6 500 personnes à fort pouvoir d’achat et de leurs familles à partir de 2023 a changé le visage de la ville. La construction du campus PSA a dynamisé le pôle de la gare TGV. La densification du secteur compris entre les casernes du 19ème régiment du génie, le parc des glacis et les rives du Doubs a fait basculer Besançon dans le statut de métropole régionale. Le dynamisme du centre-ville rayonne enfin au delà du cœur historique. Et la règle « un nouveau parc pour 1 500 nouveaux logements » a permis de maintenir une approbation élevée de la part de la population déjà présente. Les commerces se sont multipliés pour satisfaire les nouveaux arrivants et la folie des grandeurs devrait continuer. La ville, qu’on dénomme désormais « Besech » (une contraction de « Besac » et « tech » en référence à la densité d’activités en haute technologie et surtout au prix d’une couteuse opération de marketing territorial), ou encore « la Seattle Franc-Comtoise » travaille sur l’implantation d’une gigantesque salle de sport pour accueillir l’équipe du PSA-hockey et du PSA-basket.
À l’entame de la décennie 2030, tous les voyants sont au vert. Le classement de L’Express a placé la ville comme la préférée des cadres et des classes créatives. Le niveau d’équipements et de services continue de progresser. Et portée par ses valeurs dans l’économie sociale et l’utopie, elle a vu son niveau d’éducation augmenter de manière régulière grâce aux cours donnés gratuitement aux élèves les plus fragiles par les 25 % d’ingénieurs composant la population de l’unité urbaine.
Seule ombre au tableau que les édiles locales n’avaient pas anticipée : la perte d’identité de la ville. Derrière les beaux feuillages des parcs et les vitres tactiles du nouveau tramway, on sent bien que l’ambiance n’est pas au rendez-vous.
« Y a du monde dans les rues, dans les bars, mais on a l’impression que rien ne peut déborder. Ces tarés de technologies qui envahissent nos rues ont besoin d’applications pour apprendre à s’amuser! » Kader, 54 ans, technicien chez PSA.
Voilà le genre de discours que l’on entend lorsque l’on s’écarte des lieux branchés, pas bien loin du nouveau centre-ville hyper connecté, des bureaux de la rue de Dole, des maisons cossues de la rue Gabriel Plançon, des casernes reconverties en quartier smart city. Mais les cadres dirigeants ne sont pas sourds et ils ont bien compris qu’il y avait là un vrai problème de fond à régler.
« L’arrivé de plein de cadres en ville, cela veut aussi dire l’arrivée de plus de stress et de dépression. Sans parler des milliers d’ingénieurs qui sortent de nos écoles et qui se trouvent sans boulot. Besançon est devenu Xanax Land. Nous avons donc proposé du coaching en humour, personnalité et punchlines aux grandes entreprises locales pour booster le moral de leurs employés ». Bruce, 46 ans, coach en personnalité.
Une fois que les Bisontins ont cessé de se balader le long du Doubs avec leurs google glass (la promenade la plus riche en contenu de réalité augmentée de France), il n’est pas rare de les retrouver dans les bars de Besech pour assister à des cours collectifs d’art de la discussion, ou de séduction sans ordinateur. Il arrive même que lors de ces soirées, certains ingénieurs oublient leurs compléments alimentaires pour mieux savourer une dernière bière qui peut les conduire vers un état de début d’ébriété à l’horizon de 1h du matin. De lourds éclats de rire peuvent alors résonner lorsque, tous ensemble, ils se prêtent à leur passe-temps favori : se moquer des techniciens inférieurs des usines PSA de Sochaux. Leur blague préférée : « les techniciens inférieurs de Sochaux auraient inventé la machine à remonter le temps mais ils l’ont bloquée sur la touche 1970 ».
Ces blagues d’ingénieurs ne sont pas toujours partagées par les plus anciens habitants de la ville qui ne cachent pas une certaine forme d’amertume :
« Un tour en bagnole, une bière à moins de 2€ et un match de foot, ils savent encore faire ça à Sochaux. C’est tout de même mieux que le coït assisté par ordinateur et les duels de blagues financés par la mairie de Besançon! ». Kader, 54 ans, technicien PSA.
Le projet
La carte postale
Les témoignages
« Oui, on s’amuse bien dans les soirées bisontines, les gens ont de la culture, ils sont intelligents mais bon, je ne rêve que d’une chose, tomber sur un mec qui soit encore capable de me prendre sauvagement dans la cage d’escalier sans me montrer les dernières fonctions de son smartphone ».
Naelia, 28 ans, cadre chez PSA. 23 Juillet 2027
« Pour s’amuser à Besançon, faut aller traîner du côté de la Planoise, c’est là que ça se passe, bien loin des ingénieurs et des systèmes de recommandation géographique. Tous les gens de l’Hôpital viennent se détendre avec les habitants du coin. Une bière sur un parking, ça fonctionne. »
Maxence, 25 ans, ingénieur chez PSA. 14 Août 2028
« Pas une seule grande équipe de sport collectif sur Besançon hormis les Voodoo Vixens, nos grandes championnes de roller derby. On aurait dû racheter le FC Sochaux quand nous en avions encore l’occasion. »
Patrick, président de l’agglomération de Besançon. 2 Avril 2030.
« 800 000 € pour payer une agence de com qui invente « Besech », faut vraiment avoir du pognon à balancer. Au moins, ces blaireaux d’ingénieur peuvent twitter leur vie de merde toute la journée sur #BesechExperience »
Natanael, ingénieur au chômage. 2 Septembre 2030.
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